Je pose une première « semelle de vent »
dans la ville de Metz, si chère à ma mère. Metz, où je reviendrai
souvent au cours de mon adolescence pédaler avec mon grand-père fan de
Coppi et de Bartali, avec mon oncle et mon cousin dans le parc de
Lorraine, faire du kayak sur la Moselle et écouter les histoires de ma
grand-mère d'origine allemande et celles du grand-père italien. Puis,
l'envol derrière mon père aviateur, pilote de chasse à Metz, Dijon,
Saint-Dizier. Puis dans le civil à Lyon. C’est pour moi, soudain
devenu grand, l'occasion de franchir les portes de l'université
fréquentée par François Rabelais. Le grand éclat de rire du « gai
savoir » en hypokhâgne et khâgne, l'appel du large ensuite...
Je sillonne les collines du Dauphiné
où habitent mes parents et une petite voix me dit : « Ne rentre pas tout
de suite dans le moule de l'enseignement, roule dans le fossé et suis
ton « hôtel à la Grande Ourse ». Bien avant l’ordinateur et le
traitement de texte, tape sur ta Remington et tape la route, derrière
Jack Kérouac ! Déroule le long ruban de bitume et le buvard d'encre en
Amérique puis en Sicile, puis en Écosse ! » Dans le
cadre d’une première mission d’enseignement, je passe deux ans à
explorer les Highlands et à traquer les vieux monstres et les spectres
qui hantent les châteaux en ruines.
Le grand nord de l'Écosse en face des
Iles Orcades où je suis assistant de français ressemble à un exil
comme celui du vieil Hugo. Dans ce Guernesey celtique, j’accumule les
recherches pour ma thèse et je traque dans ses œuvres de haute mer les
signes des anciens mythes celtiques qui l'auraient influencé. Ce travail
m’ouvre un « passage » vers les établissements scolaires de la métropole
où je vais occuper différents postes. Je quitte mon kilt et décide de
commencer ma carrière de prof de lettres modernes dans une région
celtique afin de mener mon enquête à son terme : mais y a-t-il vraiment
un terme à ce genre de quête ? Dans mon imaginaire, la Bretagne
du Barzhaz Breizh ressemble à l'Écosse d'Ossian.
J’ai maintenant envie de partager et
d'entraîner derrière moi les lycéens dont j’ai la charge. Mais comment
m'y prendre quand les programmes sont trop lourds et les budgets alloués
à l'éducation trop légers ! Reste l'écriture, l'écriture et les
planches ! Avec deux collègues, nous créons un atelier d’expression
artistique et je retrouve la route américaine et Kérouac à travers ma
première pièce ; puis, dans ma deuxième, inspirée de Macbeth, les
châteaux écossais, et puis, dans ma troisième, inspirée de Pirandello,
une légende sicilienne. Le cap est donné et j’ai la chance, chaque
année, de travailler avec une metteure en scène (Camille
Geoffroy) et de proposer aux élèves
une nouvelle représentation.
Et puis, grand virage en 2022 : la voie
est libre pour de nouvelles aventures en écriture. Place au roman et à
tout l’important travail de recherche qu’il implique pour à la fois
nourrir la narration et répondre aux questions des lecteurs lors de
conférences ou de rencontres. C’est le début d’une nouvelle carrière.
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